Tout a commencé à l’âge de 24 ans lors de mon voyage au Mexique.
Une tante de la famille où j’habitais m’interrogeait en espagnol:
一 As-tu déjà vu une naissance?
一 Oh que oui! J’ai grandi dans la campagne québécoise. J’ai vu mettre au monde des chevaux, des vaches, des chiens, des chats…
一 Non mais des humains?
一 Euh… non!
J’étais bouche bée. Quelle question! La soirée a continué sans que la conversation fasse écho. On s’amusait. À 22h00, elle m’a fait signe de mettre mon manteau. Je me demandais bien ce qu’elle mijotait: un spectacle de musique, un dernier verre de tequila, une soirée dansante?
Non, rien de tout cela. On est débarquées à l’hôpital. Boom. On m’a prêté un uniforme de service. Avaient-ils mal compris? Pensaient-ils que j’étais en stage de médecine? Malgré mon inconfort grandissant, j’ai choisi de mordre à pleines dents dans l’expérience.
La tante familiale m’a assise sur une chaise, m’a donné dans les bras un poupon fraîchement né et m’a dit de m'en occuper. J’ai réalisé que ce bébé était l’un de trois. Dans toute l’histoire de l’hôpital, c’était la première fois qu’on recevait des triplés. Les femmes s’affairaient près de la mère dans une atmosphère d’entraide.
Puis, on m’a tirée vers le corridor en m’annonçant qu’il y avait une autre naissance. Mon cœur débattait. Je suis entrée dans la salle d’accouchement éclairée par des néons d’un blanc glacial. Où était le père? Peu importe. J’étais traversée par une bouffée de gratitude énorme. Cette femme qui donnait naissance avait précisément mon âge et j’avais l’honneur de l’assister! Je me suis dit que la seule chose que je pouvais faire, c’était de croire en elle.
Elle a accouché de sa fille au creux du nid de confiance que je lui portais. J’avais la chair de poule dans les cheveux, des sueurs froides, les joues barrées de rires et de pleurs à la fois. Ce que je venais de vivre était incroyable.